La position du tireur couché | ru

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N’en déplaise au poète, on est parfois très sérieux quand on a dix-sept ans. Au début des années 90, quatre adolescents clermontois forment Grease - groupe qui, nonobstant son nom, n’a pas grand chose d’un tribute band acquis à la cause gominée de John Travolta. Leur inspiration, les Auvergnats aventureux vont alors la chercher aux antipodes ou à l’hôpital psychiatrique: ils sont fans des chansons singulières et cinglées du Néo Zélandais Chris Knox et de l’Américain interné Daniel Johnston. Bientôt, Grease troque son rock indé pour le cinéma en chanté. Si Benjamin Boguet se rebaptise Cosmo Vitelli, et devient sous ce patronyme Cassavetien l’une des valeurs montantes de l’électro française, Frédéric Pradelle opte pour la plume, et, avec Une Vie simple (comme celle de Norman Bates), signe pour son coup d’essai une chanson à ne surtout pas écouter sous la douche. D’entrée, l’écriture de Frédéric est aussi bien peignée qu’Anthony Perkins dans Psychose - et a le sourire aussi inquiétant. A force de viser haut, il finira par écrire en regardant droit dans les mirettes quelques éminences du songwriting. Avance rapide: en compagnie d’un trio d’amis (Frédéric Gilbert – basse, Lilian Raynaud - guitare, Gaël Jonard – batterie), Frédéric crée La Position Du Tireur Couché, et, comme le sniper du roman de Jean-Patrick Manchette, aligne les chansons d’une précision balistique. Touché au coeur, un jury régional sélectionne La Position pour représenter l’Auvergne au Printemps de Bourges 2002. Suit un mini album autoproduit, où le Lou Reed de Transformer fait assaut d’autodérision désinvolte avec un Gainsbourg habillé par Cardin et chaussé par Carvil. Car Frédéric Pradelle s’est épris de l’esthétique sixties, et la rencontre d’une chanteuse tout droit sortie d’un scopitone de l’ORTF va égayer d’un grain d’insouciance les concerts austères de La Position. Gaëlle Le Cozannet a grandi en fredonnant les disques yé-yé de sa mère; quand Frédéric lui taille sur mesure des chansons aussi ajourées qu’une mini-robe de chez Courrège, l’esprit mutin de Brigitte Bardot (dont Gaëlle est le troublant sosie vocal) souffle à nouveau sur la pop française. Aujourd’hui, La Position Du Tireur Couché célèbre donc les noces insolites et insolentes du meilleur rock souterrain (les garçons du groupe raffolent de Jonathan Richman, Adam Green, Luna) et de la plus affriolante variété tricolore. Et, après avoir tapé dans l’oreille des Inrockuptibles, qui retiennent Les Femmes mariées pour leur compilation CQFD 2005, le répertoire de La Position fait finalement l’objet d’un véritable album, Acapulco. Sous cet intitulé exotique, guitares surf, trompette pimpante et rimes lestes s’offrent une fiesta d’un futurisme délicieusement désuet. Direction la province estivale, où un Velvet Underground en lunettes noires et slip de bain jaune banane se prélasse sous le soleil (exactement), tandis que, de Courchevel à Ramatuelle, les chamailleries d’une vamp très aérée entre les oreilles et d’un James Bond quadruple zéro témoignent d’un constant penchant pour les losers rêveurs. Empreintes d’érotisme bon genre (vouvoiement de rigueur), les chansons sarcastiques et sexy d’Acapulco sont en effet celles d’un auteur-compositeur qui, ayant coutume de laisser ses boots devant la cheminée 365 jours par an, s’est un beau matin réveillé en y trouvant sa Nancy Sinatra. Et s’est alors découvert un étonnant talent pour peindre les escarmouches entre les sexes d’un pinceau aux poils en pure moustache de Lee Hazlewood. .

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