Miki Yui | fr

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Discrètement mais de façon contrastée, il se passe une foule de choses au creux de ce nouveau monde digital minimal. Musicienne née à Tokyo en 1971, installée à Dusseldorf, Miki Yui titille notre perception en dessinant de nouveaux espaces acoustiques où se croisent les fragments de ses enregistrements « naturels » partiellement digitalisés. Bruitisme vaporeux, secret, au féminin, pas abrasif dans les cas présents. La musique est particulièrement fragile, puisée dans des milieux naturels et sensiblement détournée des enregistrements de terrain par des installations électroniques précaires. À chaque plage, avec peu d'éléments, elle compose un paysage singulier. Les sonorités d'espaces urbains sont canalisées, atténuées, altérées, la musicalité des lieux choisis est accentuée, déplacée.
Des motifs d'origine naturelle, retravaillés, sont greffés sur la réalité sonore ambiante, formant une nouvelle cartographie. On dirait qu'elle détourne l'air, le vent, les ondes, les fluides qui s'accrochent et ondulent autour des endroits choisis. Il y a une action sur les éléments, une transformation de l'espace son et une volonté créatrice, une portée poétique qui distinguent ce travail. On est continuellement promené de la réalité à la fiction. La distinction entre les sons naturels évoquant un lieu et l'altération électronique prolongeant ces espaces naturels, leur donnant une vie acoustique nouvelle (silence resounding) n'est pas le but du travail. Au-delà de la portée poétique, esthétique évidente, il y a peut-être la volonté de montrer combien la musique fait partie de tout espace. Les installations de Miki Yui agissent comme le papier révélateur dans le monde de la chimie. Sans les avoir vues, j'imagine qu'elles sont les capteurs de la poésie sonore des lieux. La musique est déjà là, certes il suffit d'un peu d'imagination, de liberté sensuelle pour la percevoir, mais la personnalité de la « musicienne » et son intervention sur le matériel me semblent lui donner une touche très particulière. Miki Yui compose avec des fields recordings (enregistrements de terrain), elle parvient presque à faire tinter le fil d'araignées et la brume de nos jardins. Évidemment tout cela n'est perceptible et n'atteint un sens musical que si notre attention est entière, nos oreilles déconditionnées, nos imagination en roue libre accueillant les souvenirs amorphes comme les nouvelles perceptions. Alors seulement notre cinéma personnel peut se mettre à tourner. (Pierre-Charles Offergeld, Liège) .

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